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14 mars 2019
Alain Lipietz

Scandale des déchets recyclables incinérés : qui sont les responsables ?

Le Parisien dénonce : 1000 tonnes de déchets recyclables partis en fumées depuis Mai 2018. Il pointe du doigt : les maires, le Syctom , Citeo et même le Grand Orly Seine Bièvre. Qu’en est-il ?

Cela concerne les habitants de sept villes (Ivry, Vitry, Villejuif, Gentilly, Le Kremlin-Bicêtre, Cachan, Valenton) : depuis mai 2018, les habitants auraient dû mettre ces déchets dans les bacs jaunes pour être triés à Limeil et recyclés. Mais personne ne les a prévenus ! Du coup, ces déchets sont allés dans les bacs verts et brulés dans l’incinérateur d’Ivry.

1000 tonnes en moins d’un an, ce n’est pas rien ! C’est autant de gaz à effet de serre émis, à une époque où la jeunesse fait grève contre le changement climatique. C’est autant de résidus toxiques de la combustion du plastique, à une époque où l’Ile de France est condamnée par la mauvaise qualité de son air et s’apprête à lancer la « Zone à Faibles Émissions ». C’est autant de matières premières perdues pour l’industrie chimique, alors que les ressources de la Planète s’épuisent…

Alors : on s’en fiche ? Ou c’était voulu ? Qui est responsable ?

En tant qu’élu au Grand Orly Seine Bièvre, d’abord je remercie encore une fois la Presse d’avoir relayé le cri des lanceurs d’alerte, en l’occurrence le Collectif 3R. Ensuite, j’ai mené mon enquête.

Qui fait quoi ?

Les ordures ménagères, d’abord on les collecte, puis on les élimine, on les « traite ».

C’est l’établissement public territorial Grand Orly Seine Bièvre (GOSB) qui assure la collecte des ordures ménagères. Le GOSB a succédé à la Communauté d’Agglomération du Val de Bièvre et a conservé cette mission. Ce sont les agents du GOSB qui distribuent les poubelles jaunes et vertes, qui se battent pour maintenir la déchetterie et le ramassage des encombrants à Villejuif. Mais, contrairement au Val de Bièvre, le GOSB n’a pas de « fiscalité propre » : il ne prélève pas d’impôt. Les socialistes, auteurs de la loi NOTRe il y a quelques années, en ont décidé ainsi. Le GOSB vit des reversements que les communes lui accordent.

Il y a des années, le Val de Bièvre, qui levait ses propres impôts, pouvait initier des projets. Quand il a instauré la collecte sélective des ordures, il a embauché des « ambassadeurs du tri » pour expliquer aux gens. En quelques années, la réduction des déchets non-recyclés a été impressionnante, au delà de ce qui avait été planifié. Ce n’est plus possible.

Ensuite, c’est le Syndicat intercommunal de traitement des ordures ménagères, le Syctom (couvrant la plus grande partie de la métropole parisienne) qui les élimine. Ce qui est recyclable (bacs jaunes) est trié et envoyé (on l’espère !) dans une filière industrielle qui en fait des matières premières pour les industries. Ce qui ne l’est pas (bacs verts) est brulé dans des incinérateurs géants, comme à Ivry.

Le Syctom ne prélève pas non plus d’impôt. Mais il facture ses services aux collectivités locales, et celles-ci prélèvent la taxe d’enlèvement des ordures ménagères.

Enfin, depuis 35 ans, une taxe impose les entreprises de la grande distribution pour les dissuader de mettre trop d’emballage autour des produits vendus aux ménages. Cette taxe alimente Eco-emballage, devenu Citeo. Avec cet argent, Citeo doit subventionner les filières de recyclages mais aussi les collectivités locales qui organisent la collecte des déchets.

Qu’est-ce qui a changé en mai 2018 ?

Avant, l’usine de tri d’Ivry ne pouvait que faire un travail simple : séparer les papiers-cartons, les boites de conserves métalliques, les bouteilles en plastiques. C’est cela seul qu’on avait le droit de jeter (propre !) dans le bac jaune. Tout le reste (sauf le verre), allez hop ! bac vert et incinération.

Cette usine est remplacée en mai 2018 par une usine plus perfectionnée à Limeil , qui peut trier TOUS les déchets ménagers papier-plastique-métal. Du coup, un tas de trucs (boites à œufs, pots de yaourt, etc) doivent passer du bac vert au bac jaune : autant de moins à brûler… Mais la population de nos sept villes n’a pas été prévenue ! C’est là le scandale.

Voici le tract par lequel la Ville de Paris, elle, a prévenu sa population, qui montre la « nouveauté » . C’est en fait beaucoup plus simple qu’avant pour les usagers.

Mais chez nous, rien. Ni les maires, ni du Syctom, ni le GOSB ni de Citeo n’ont diffusé l’information.

Qui aurait dû nous informer ?

Tout ce beau monde. Mais les responsabilités sont très inégalement partagées.

D’abord les maires. Eux seuls disposent des moyens d’information vers les habitants (journal de la Ville, panneaux d’affichage, site web) : ça ne leur aurait rien coûté. Ils ont le devoir de protéger leurs habitants contre la pollution et de leur faire faire des économies. Or, si on valorise les ordures au lieu de les brûler, la taxe d’enlèvement des ordures ménagères diminue.

Ensuite le Syctom : c’est lui qui a remplacé une usine de tri par une autre plus efficace… et fait comme s’il n’avait pas envie qu’on en profite. Tiens, tiens.

Le GOSB ? C’est lui qui organise la collecte dans les bacs jaunes ou vert. Augmenter la collecte des recyclables, cela demande de payer une nouvelle campagne d’ambassadeurs du tri, mais aussi de mettre à la disposition des ménages plus de bacs jaunes ou plus gros ! Avec quel argent ? Il récupère certes la taxe d’enlèvement des ordures ménagères... mais s’en sert déjà. Aurait-il pu réagir plus tôt, lancer sa propre campagne ?

Je suis membre de la Commission d’Appel d’Offre du GOSB. Je me souviens d’une discussion homérique quand il a fallu passer un marché d’achat de nouvelles poubelles jaunes ou vertes. Fallait-il choisir les plus solides, comme le recommandait le service technique, ou les moins chères ? Finalement on a choisi les plus solides, mais le malheureux vice-président chargé des finances a dû trouver l’argent …

De l’argent, il y en a au Citeo, et le GOSB s’est tourné vers lui. Mais le Citeo lâche l’argent de sa taxe avec un lance-pierre. Il a organisé un appel d’offre pour adapter la collecte à la nouvelle situation, dont les résultats seront connus… en juillet prochain !! D’ici là, le GOSB, évidemment candidat depuis mars, n’aura pas cet argent.

Qui a lancé l’alerte ?

Le Collectif 3R, qui se bat depuis des années pour le recyclage et contre l’incinération, a découvert le pot-aux-roses par hasard, en février dernier. Aussitôt, il sonne l’alerte.

Comme on le voit dans Le Parisien, le Collectif 3R , qui a mené et mène toujours la lutte contre la reconstruction de l’incinérateur d’Ivry, ne cache pas ses soupçons. Le Syctom veut montrer que la reconstruction de l’incinérateur d’Ivry est nécessaire. Le Collectif 3R a calculé que c’est inutile si on trie correctement les ordures. Le Syctom n’a-t-il pas caché à la population qu’on pouvait trier et recycler davantage, mettre plus d’ordures ménagères dans le bac jaune, cela afin de ne pas faire diminuer le tonnage d’ordures à incinérer (bacs verts) ?

La population d’Ivry est contre l’incinérateur. Le maire communiste d’Ivry est pour : c’est le modèle industrialiste du Parti communiste. Mais Ivry a une étrange majorité : PCF + EELV. Et les écologistes sont en charge des ordures ménagères à Ivry ! Du coup le maire-adjoint EELV, indigné, a carrément organisé le… re-tri des poubelles ivryennes vers les bacs jaunes ! Voyez la photo du Parisien :

Ivry, ce lundi. Infamara, 50 ans, et Wakaray, 46 ans, deux éboueurs, anticipent au quotidien l’extension des consignes de tri. A la main, ils récupèrent les déchets recyclables déposés dans les poubelles destinées aux ordures ménagères pour les déposer dans les poubelles jaunes. LP/M. Fr.

Et à Villejuif ?

Naturellement, le maire de Villejuif, anti-écologiste, n’a prévenu personne. Il soutient fermement l’incinérateur d’Ivry (alors que les communistes de Villejuif commencent à hésiter). C’est d’ailleurs un de ses maires adjoints qui était descendu au conseil municipal d’ Ivry pour donner consigne aux élus de droite de ne pas voter contre l’incinérateur d’Ivry, alors que , pour être bien vus des habitants, ils avaient d’abord voté contre.

A Villejuif, le Collectif 3R est représenté par l’association Agir à Villejuif (spécialisée dans les risques industriels, tels les perturbateurs endocriniens) Dès la mi-février, Agir à Villejuif écrit donc au maire pour lui demander d’informer la population :

L’adjointe au maire chargée du développement durable lui répond qu’elle a demandé à ce qu’on en parle dans le prochain numéro de Villejuif Notre Ville. Cette maire adjointe, autrefois écologiste, a rejoint la droite et tient à son poste de maire-adjointe : ce n’est pas une Nicolas Hulot ! Elle a même voté l’exclusion des écologistes quand Natalie Gandais a signalé le scandale de la Halle des Sports à la Procureure de la République. Du coup elle n’a plus aucun pouvoir de pression sur le maire, et c’est un autre élu de droite, son « conseiller délégué », qui signe, au nom du maire, pour entraver le travail des associations écologistes.

Bilan des courses ? Le n° de mars de Villejuif Notre Ville, luxueux tract électoral à la gloire de « Franck Le Bohellec », est enfin sorti. Une page sur les « Encombrants » (dont la collecte est organisée par le GOSB), pour expliquer que c’est « le maire Franck Le Bohellec » qui « insiste pour préserver ce niveau de service  » !

Merci pour ce soutien. Il s’agit sans doute de masquer le fait que « le maire Franck Le Bohellec » a tenté de saboter la déchèterie mobile, elle aussi organisée par le GOSB, comme l’enlèvement des encombrants, depuis belle lurette, depuis le temps du Val de Bièvre…

Et les nouvelles consignes, l’extension du tri à la source ? L’information sur le nouveau contenu des bacs jaunes ? Silence radio.

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