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22 avril 2020
Alain Lipietz

Révolution au conseil municipal

Dans des conditions épouvantables, le Conseil examine la gestion du maire sortant (devenu très minoritaire), depuis novembre, encadre son action future, et crée une commission de la solidarité.

Une technologie éprouvante

Ce conseil a été convoqué par les élus, grâce à l’ordonnance du 1er avril qui permet à I/5 d’entre eux de convoquer le conseil sous 6 jours. Le maire a trainé les pieds, demandant la vérification des signatures, mais bon… Il s’était mis en autocontrôle depuis le 26 novembre, où il avait pourtant promis d’associer dorénavant ses oppositions. Pour manifester sa mauvaise humeur il a choisi une technologie remontant, sinon au minitel, du moins à 1995 : une conférence audio ! Pour mémoire : il dirige une société de service informatique...

On appelle un numéro, avec un code pour entrer dans la "conférence".... Mais bien sûr les différents groupes, eux, s’étaient installé un Zoom ou un Whatsapp. Il y en a toujours qui oublient d’éteindre un de leur micro ou haut-parleur (sifflement Larsen, bruits de cuisine, de chasses d’eau, d’enfants etc) ou interviennent en oubliant de le rallumer. Pendant 6h30 d’affilée, avec des gens qui entrent et qui sortent de la conférence à tout bout de champ, une voix qui claironne "Untel est sorti ding dông , Une telle est entrée ding dông, plus les micros ouverts (eh oui, tout le monde n’a pas un smartphone qui permet de couper le micro)... Il fallait demander la parole par SMS (oui oui !) et bonjour les fausses manoeuvres : Machin sort de la conférence pour envoyer un SMS et "ding dông Machin est sorti"...

Révolte générale au bout d’une heure : « On veut la visioconférence ! ». Argument du maire : « J’ai craint que la video ne contribue à propager le virus, je n’en prendrai pas la responsabilité. » On n’est jamais trop prudent, avec les virus et les bugs ! Notre maire informaticien confond-il les virus informatiques et le coronavirus ? Non : « Il aurait fallu prêter une tablette à ceux qui n’ont que le téléphone ». Alors comme çà, il ne sait pas qu’on peut participer à une conférence video Zoom en se contentant de l’audio d’un téléphone ??

Deux absences significatives

Le maire fait l’appel. Il n’y a que deux absents non-représentés : Mme Yapo et M. Yébouet. Même M. Gaborit (qui a quitté le FN depuis longtemps) est présent et votera avec les oppositions.

Mme Yapo, maire-adjointe, est passée dans l’opposition dès septembre, suite à l’affaire Pirès, et elle a démissionné du Conseil en décembre. Le maire lui a donc coupé son indemnité, mais fait semblant de ne pas la savoir partie. Il n’a pas fait nommer de nouvelle adjointe (ce qu’il aurait dû faire sous 15 jours, mais il aurait dû pour cela convoquer un conseil…) et surtout il ne l’a pas remplacée par un nouveau conseiller municipal, le suivant sur sa liste de 2014 : François Lazard (liste Harel) dont il sait qu’il serait dans l’opposition. Il n’y a pas de petit profit.

M. Yebouet n’a visiblement pas osé venir. Il fait partie des centristes éliminés par le maire sortant dans sa liste 2020, il a fait partie de la tentative de liste des centristes, et les autres l’accusent d’avoir saboté le dépôt de la liste en préfecture, cédant au chantage du maire. Un chantage digne du KGB ou de Benzema.

Dès le début, Mme Duboille-Obadia, 1ere ajointe, elle aussi éliminée de la liste 2020, met les choses au point (lire son intervention ici). Elle signale que depuis des mois le maire ne lui répond plus, et pas davantage à son mari, pourtant maire-adjoint à la santé. Mais le Dr Obadia a commis le crime de dénoncer le maintien du « Boxing Show » du 6 mars, évènement électoraliste où le candidat sortant est monté 8 fois sur le ring pour décerner des diplômes, devant des milliers de personnes collectivisant leurs virus.

Cependant ni elle ni son mari ne se joindront aux oppositions de gauche. Ce n’est pas le cas des maires-adjoints Capurusso et Carvalho (LaREM et Modem) qui se déclarent en faverur des propositions de l’opposition ! Alain Caporusso, maire-adjoint à l’action sociale et vice-président du Conseil Communal d’Action Sociale (fonctions éminemment stratégiques dans la crise) précise qu’il est dans le même cas que le maire adjoint à la santé : placardisé. Le Dr. Obadia proposait pourtant une adaptation du plan canicule à l’épidémie, pour soutenir les personnes âgées isolées.

Qu’a fait le maire depuis des mois ?

Nous avions demandé un rapport sur son action, puisque nous n’avons pas de nouvelle de lui (en tant que maire !) depuis le 26 novembre.

F. Le Bohellec se lance dans la lecture d’un interminable rapport qu’il aurait aussi bien pu nous envoyer par email (connait-il cette technologie ? ). Il commence par nous appeler à travailler « d’une seule main », « faire front ensemble » (!), à oublier les divergences politiques, etc. Nous sommes ravis qu’il se souvienne enfin de l’existence de notre conseil municipal.

Puis il énumère chapitre par chapitre ce qu’a fait l’administration de la Ville. Au fil des minutes se dégage l’impression qu’elle a fait son boulot, face au virus, en suivant les consignes gouvernementales, mais que lui, maire en place, n’a rien impulsé de particulier (contrairement à bien des maires de France), si ce n’est sa campagne électorale de second tour, hyperactive, où il s’est fait photographier en Tarzan de l’Humanitaire.

Le débat s’engage dans les conditions difficiles qu’on a dites. Les trois groupes de gauche et écologistes ont bien préparé ce conseil, avec une prise de position commune envoyée à la presse. Nous avons choisi Sophie Taillé-Polian pour présenter notre position : nous ne voulons pas ajouter la crise à la crise en renversant le maire, mais encadrer son action pour participer collégialement, avec toute notre bonne volonté, à la gestion de la Ville face à la crise sociale et sanitaire. Voici son intervention :

Belle intervention de Franck Périllat qui énumère les conséquences tragiques du confinement pour les familles populaires :

La principale critique, dans le débat, est en effet la disparition des cantines scolaires qui offraient des repas à 50 centimes aux enfants de familles défavorisées. La disette se répand, et c’est le monde associatif et l’économe sociale et solidaire qui ont pris le relais tandis que la Ville, qui n’a même plus à subventionner de repas scolaire, aurait pu offrir quotidiennement des paniers repas, fournis par la Semgest (laquelle va se trouver en difficulté, d’ailleurs).

Autre débat : les annonces inquiétantes de fermeture de classes pour la rentrée de septembre, alors qu’il va falloir rattraper les dégâts d’une année scolaire massacrée. Réponse du maire : "Bof, faut déjà attendre que soient closes les demandes d’inscription à Villejuif avant de demander plus de classes à l’Académie de Créteil".

Natalie Gandais intervient sur la perspective du déconfinement le 11 mai, demandant un débat préalable avec les acteurs de la vie scolaire sur les conditions de réouverture des écoles, et que l’ensemble de la population villejuifoise soit équipée d’un jeu suffisant (au minimum deux par personne) de masques en tissu lavables et réutilisables.

Ph. Vidal concentre ses coups sur les « nouveaux opposants », à qui il reproche de ne pas avoir quitté leurs postes de maires-adjoints. Lui veut supprimer toutes les délégations du maire, il se retrouvera totalement isolé.

Dans mon intervention, j’évoque les imprudences du maire qui font de Villejuif l’un des pôles du « triangle Kremlin-Bicêtre-Villejuif-Vitry », foyer de l’épidémie le plus virulent du Val de Marne et même du Grand (voir les statistiques ici). Le maire et ses derniers partisans ont vu monter l’accusation, depuis la lettre de critique du Dr Obadia sur le Boxing Show.

Ils ont visiblement préparé leurs réponses.

Mme Ouchard attaque par deux fois le Dr Obadia pour son absence, au point que Mme Duboille doit lui répondre vertement. Le Dr Obadia est… médecin en réanimation ! Il est de ceux qui affrontent au plus près le virus jour et nuit, de ceux que nous applaudissons tous les soir à 20 heures… Puis Mme Ouchard affirme qu’elle n’a vu « aucune étude montrant une surmortalité à Villejuif et alentour ». Je lui promets paisiblement de lui donner la référence à celle du Prof Piarroux, de la Pitié-Salpétrière.

Le maire lâche deux chiffres (que Natalie Gandais lui fait répéter) d’où il ressort que du 1er février au 14 avril la mortalité n’a augmenté que de 27 % à Villejuif alors qu’elle a presque doublé sur l’ensemble du Val-de-Marne. Kolossale finesse que je démonte ici : les morts ne sont à déplorer massivement qu’à partir du 1er avril. Février 2020 est le mois où il y a eu le moins de morts en France depuis octobre 2011.

Deux décisions stupéfiantes

On passe ensuite à l’examen des « décisions du maire prises en délégation du conseil municipal » depuis novembre, que le maire vient (enfin !) de nous envoyer. Et là, surprise : la liste s’arrête au 6 février. J’en fais l’observation. Le maire : « Je n’ai pris aucune décision depuis le 6 février. ». C’est bien ce qu’il nous avait semblé.

On examine cette liste. Philippe Vidal attaque deux nouveaux marchés sur la Halle des sports, attribués, vous l’avez deviné, à Demathieu et Bard. Mais le débat va se concentrer sur deux autres problèmes : la décision 147/2019 du 4 novembre et la 172, du 29 novembre.

La décision 147 est un amendement à la fameuse décision d’aout 2018 par laquelle le maire attribuait, tout seul comme un grand, à l’entreprise Fayolle des travaux de voierie qui sont du domaine du Grand Orly Seine Bièvre, jetant ainsi l’argent des Villejuifois par les fenêtres. Il s’en est servi pour multiplier en période électorale le goudronnage des rues ou autres chantiers « d’embellissement » destinés à montrer que « un bon maire, on le garde ». Embellissement ? ça dépend des goûts. Sa rage contre les arbres n’a pas été du goût de tout le monde, comme on l’a vu dans l’affaire des tilleuls de la rue Bizet...

Il avait décidé, le 8 août 2018, ce budget « Petits travaux de voierie » de 1 million 800 000 euros par an, renouvelable deux fois par « tacite reconduction ». Mais visiblement, le 4 novembre 2019, il se rend compte qu’il faut accélérer pour que ça serve avant les élections. Alors il décide de faire glisser la troisième année sur la seconde, soit 3 600 000 euros à dépenser fin 2019 et 2020 en « p’tits travaux de voirie », et qu’il faudra payer en 2020… dont le budget n’est pas encore voté, pas même le budget supplémentaire de 2019 ! Et bien sûr il nous l’a caché lors du Conseil du 26 novembre, pour nous empêcher de faire un recours (on a deux mois pour faire recours contre une décision).

Tempête de protestations. Le maire, froidement : « C’est règlementaire »…

La décision 172, du 29 novembre est encore plus stupéfiante. F. Le Bohellec renégocie à nouveau des « emprunts toxiques » (un reliquat de 13,7 millions d’euros) en contractant un autre emprunt pour 15,5 millions d’euros, car il faut payer l’indemnité de sortie anticipée de l’emprunt précédent. Ce qui sera peut-être finalement moins cher, mais il n’a pas délégation pour le décider seul. Et en plus il contracte, sans justification, un nouvel emprunt de 8 millions d’euros. Soit une croissance de l’endettement de 9,8 Millions d’euros, décidée hors de tout contrôle, trois jours après le conseil municipal du 26 novembre.

Nouvelles protestations. Le maire sortant objecte : « C’était inscrit au budget 2019 ! ». Franck Périllat : « Non, Monsieur le maire, il n’était prévu au budget-que 7 millions d’emprunts. »

Un petit mot d’explication. Le maire s’est effectivement vu accorder en 2014 le droit prévu par le Code des collectivités territoriales, article 2122-22 3°, de contracter des emprunts, mais dans les limites de ce qui était prévu au budget. Et de plus cette autorisation est retirée dans les 6 mois précédant l’élection (dernière ligne de ce 3°). Le maire a donc commis deux délits, outre le fait qu’il a fait sa campagne sur le thème (faux) « j’ai désendetté la Ville », alors qu’il l’endettait en secret de près de 10 millions supplémentaires. Mais nous ne pouvons faire un recours que dans les deux mois à partir de la date du délit, le 29 novembre, or nous ignorions ces emprunts secrets.

Je conclus, reflétant visiblement l’avis général des élus, écoeurés :

« Vous avez fait cette opération au lendemain d’un conseil municipal où, n’ayant plus de majorité, vous nous aviez demandé, « dans un esprit républicain », de vous laisser gérer les affaires courantes, tout en nous associant à l’avenir aux décisions importantes. De plus, pour la renégociation des emprunts toxiques, avait été instituée une commission représentant tout le Conseil. Et là, trois jours après ce conseil du 26 novembre, vous endettez massivement la Ville, et ne convoquez plus jamais le conseil municipal jusqu’à ce que nous le convoquions aujourd’hui. Vous comprendrez qu’on veut bien accepter votre « travailler d’une seule main » de tout à l’heure, mais en encadrant soigneusement ce que vous aurez le droit de décider tout seul. »

L’encadrement du pouvoir du maire.

C’est là le vrai enjeu de ce conseil. Le maire a préparé son propre rapport, élargissant encore son droit de prendre des décisions, par délégation, à la place du Conseil, en période de confinement, conformément à l’ordonnance du 1er avril. (Rappelons qu’il prétend ne pas avoir pris de décision depuis le 6 février ! ).

Mais nous, nous avons préparé le nôtre, qui lui laisse une large capacité pour la gestion quotidienne mais lui interdit de commettre les aberrations dont nous venons de parler : pas plus de 60 000 euros pour les décisions de fonctionnement et de 100 000 euros pour les investissements, et avec appel d’offre. Au-delà, les dépenses doivent être votées par le conseil.

L’un des fidèles qui lui restent, Alain Lecavelier, intervient doucereusement « Votre projet est si responsable ! C’est si différent de la position de M. Vidal, qui enlèverait tout pouvoir au maire. Et c’est si bien rédigé : comment avez-vous fait ? » Je devine le piège : « Bien entendu, aucun membre du personnel actuel de Villejuif ne nous a aidé ! Mais plusieurs directeurs généraux ou adjoint des services de Villejuif ont dû quitter la Ville récemment, ils sont aujourd’hui dans d’autres administrations, et ils nous ont donné un coup de main. Et plusieurs parmi nous étions dans l’exécutif il n’y a pas si longtemps. »

Sentant qu’il va être en minorité, le maire annonce : « Eh bien je lance le vote. Et je vote pour le texte présenté par M. Lipietz. » Aussitôt, protestations de l’aile la plus dure de son groupe. On les entend se chamailler en ligne, et madame Duboille réclamer une suspension de séance. Mais interrompre cette audioconférence, c’est prendre le risque de ne pouvoir la relancer ! Long flottement. Le maire se rallie alors à ses « durs » : « Je vote contre ! » Et, comme raconté hier, il se retrouve en large minorité : 25 voix pour notre texte, 17 contre.

Les subventions aux associations

On vote le versement d’une deuxième tranche à toutes les associations, représentant le solde de ce qu’elles avaient eu en 2019, plus les subvention « Politique de la Ville ». Et le maire a rajouté d’office 3 versements exceptionnels pour « la crise sanitaire » : 3500 euros pour le Secours populaire, 3000 pour les Restaurants du Cœur, 2000 pour l’Épicerie solidaire. Il prétend que ces associations ne demandaient pas plus, que la Maison des associations avait contacté « mercredi dernier » toutes les associations, etc.

Mensonge éhonté. D’abord les Restos du cœur sont fermés. Les besoins du Secours populaire et de l’Epicerie solidaire explosent, ils ont demandé beaucoup plus et nous le savons très bien. Franck Périllat a envoyé un budget du Secours populaire. Et notre amie Monique Lambert-Dauvergne, qui était maire-adjointe à la solidarité et à l’économie sociale et solidaire au temps de l’Union citoyenne, a mené une enquête minutieuse, que Natalie présente au Conseil municipal. La voici :

Bref, les 8500 euros attribués royalement par le maire pour l’aide aux Villlejuifois défavorisés sont une indignité. Je présente alors le second texte préparé par nos trois groupes : une Commission de la solidarité sera chargée de recueillir les demandes et de faire voter le budget correspondant. Cette fois le maire ne vote pas contre. Unanimité !

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