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21 juillet 2018
Alain Lipietz

Quand la France, après Villejuif, découvre l’article 40

Derrière le délit de M. Benalla (tabassage d’un couple de manifestants, sous un déguisement de policier), la France découvre un autre délit : le ministère de l’Intérieur et la Présidence de la République, qui dès le lendemain « savaient », avaient l’OBLIGATION de dénoncer aussitôt le délit au Procureur de la République, selon « l’article 40 », au lieu de couvrir le coupable. Depuis deux ans, Villejuif (Val de Marne) expérimente l’article 40, contre les agissements de sa Mairie. Mais tout n’est pas rose pour les lanceurs d’alerte …

L’article 40 du code de procédure pénale est l’une des plus vieilles lois de la République (loi du 3 Brumaire An IV, c’est-à-dire 1795). Il fait obligation aux fonctionnaires et élus de signaler à la justice les délits et crimes dont ils ont connaissance dans l’exercice de leur fonction. Malheureusement, comme l’expliquait l’étude du Conseil d’État Le droit d’alerte. Signaler, traiter, protéger préalable à la loi Sapin 2 sur la protection des lanceurs d’alerte, il est très difficile pour les fonctionnaires ou élus de dénoncer leur hiérarchie ou l’exécutif, sans compromettre leur carrière, leur mandat voire leur santé. Dans l’affaire Benalla, beaucoup de policiers « savaient », mais n’ont rien dit, l’intéressé étant un proche du Président de la République. Seul le « quatrième pouvoir », la presse, a pu briser l’omerta.

A Villejuif, il a fallu la rigueur de la première adjointe et des élus L’Avenir à Villejuif pour signaler à Mme la Procureure de Créteil de graves manœuvres de favoritisme dans un marché public de 10 millions d’euros (affaire de la Halle des sports). Ce qui lui a fait perdre son poste. Les partisans du maire qui votèrent sa destitution ont fait semblant de croire que l’article 40 était d’application facultative, allant jusqu’à assurer qu’il ne concernait pas les adjoints au maire !

Par la suite, d’autres avis « article 40 », toujours preuves à l’appui, ont été donnés à Mme la Procureure de Créteil : une autre affaire de favoritisme (attribution d’un marché de crèche), la censure d’un rapport inquiétant sur la sécurité incendie de l’Office HLM, plusieurs cas de faux en écriture publique de la part du maire (dont l’un qui « relève des assises », selon Mme la Sous-préfète, et a déjà valu une première condamnation de la mairie par le tribunal administratif, furieux d’avoir été abusé), etc. Sans compter les multiples plaintes des salariés devant les prud’hommes (avec déjà plusieurs condamnations du maire et de ses alliés.)

Ces signalements ne sont pas sans risques personnels pour les lanceurs d’alerte. Le maire s’est fait voter par la mince majorité qui lui reste une « protection fonctionnelle en blanc » (c’est le contribuable villejuifois qui paie tous ses frais d’avocats) et annonce qu’il attaque en diffamation tous les lanceurs d’alerte. Et bien sûr il refuse la protection fonctionnelle à ses opposants, y compris à l’ex-première-adjointe pour le délit de favoritisme qu’elle a dénoncé dans l’exercice de ses fonctions ! Ce qui constitue d’ailleurs un nouveau « délit d’ "entrave à signalement" » selon l’article 13 de la loi Sapin 2 : mais ni la Justice, ni le préfet, alertés, n’ont pour le moment réagi.

Plusieurs services de police (notamment la Brigade financière de la Préfecture de police) travaillent sur ces affaires, plusieurs personnes ont été entendues. Par exemple, le Directeur Général des Services, interrogé, était tenu par un « devoir de loyauté » contradictoire avec l’article 40 : il a néanmoins été licencié par le maire, officieusement pour avoir simplement répondu à l’enquête policière ! D’autres fonctionnaires de la ville, qui « savaient » quelque chose, ont préféré chercher un poste dans une autre ville.

Le Parquet de Créteil ne communique au public aucune information sur l’avancement de ces enquêtes. Ce qui malheureusement permet au maire d’affirmer qu’il n’est l’objet d’aucun contentieux judiciaire, désespère la population et les agents publics qui espéraient que « justice soit faite », et dissuade celles et ceux qui « savent » de parler, sinon par des confidences aux élus de L’Avenir à Villejuif, dont on sait qu’ils ont le courage de respecter l’article 40.

Nous sommes patients et nous avons confiance dans la justice de notre pays. Nous savons qu’elle n’hésite pas à lancer des poursuites, même contre un candidat à la Présidence de la République (F. Fillon). Nous savons aussi qu’elle manque de moyens, et privilégie le terrorisme, les trafics de drogue et d’armes, etc. Mais nous soulignons, respectueusement, que le temps joue contre la justice et la vérité, en instillant l’idée que les puissants ont droit à l’impunité, que « tous sont pourris », que respecter l’article 40 ne peut que se retourner contre vous.

On ne peut pas invoquer l’article 40, sans soutenir celles et ceux qui en respectent les obligations.

Alain Lipietz
Président du groupe municipal L’Avenir à Villejuif.

P.S. Notre site publiera à la rentrée de septembre un tableau des multiples "affaires" concernant l’actuelle mairie de Villejuif, avec leur état d’avancement (condamnations prononcées, appels, stade enquête de police etc), tel que nous le connaissons. Nous vous invitons à nous adresser toute information à ce sujet, le tableau sera par la suite actualisé en permanence.

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Commentaires

1 Message

  • Graphisto 27 juillet 2018
    15:52

    Je suis venu sur cette page à la suite du commentaire d’Alain Lipietz sur la page du Monde l-affaire-benalla-creuse-le-fosse-entre-le-pouvoir-et-l-administration. Le cas Villejuif est édifiant, on attend le dossier de septembre, je lui souhaite une grande publicité exemplaire. Il y a des roitelets partout en France.

    Bonne journée.

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