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Salon #Bon, La Grande Ourse

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27 octobre 2017
Alain Lipietz

Oui ou non, le « Bien manger » est-il une priorité ?

Gros succès du Salon #Bon et de La Grande Ourse. Pour le maire, la nourriture saine est une priorité de Villejuif. Pas pour son adjointe…

Le second Salon #Bon à l’Espace-congrès des Esselières de Villejuif, le week-end dernier, fut un succès encore plus considérable que l’an dernier. Et dans ce salon, vif succès de La Grande Ourse, association d’éducation populaire ayant pour but de créer ne espace convivial et solidaire centré sur le développement soutenable, et pour commencer… apprendre à manger bio et pas cher, en réduisant notamment la consommation de viande.

À l’inauguration du salon, le maire F. le Bohellec proclame que le bien manger est une priorité pour Villejuif. Or quelques jours auparavant son adjointe Fadma Ouchard s’est opposée à une subvention du Grand-Orly-Seine-Bièvre à La Grande Ourse, affirmant que ce n’est pas une priorité. Qui croire ?

Le Salon #Bon

C’est une initiative du chef Olivier Chaput du Show Devant, excellent restaurant sur la place centrale de Villejuif. Très conscient de ses responsabilités pédagogiques (nombreuses émissions de télé et livres pour enfants) mais aussi sociales, Olivier forme des apprentis et a lancé le Salon #Bon « Ramène tes parents », « premier salon gastronomique pour les enfants », avec des ateliers cuisine, dégustation… 4000 visiteurs l’an dernier, 7000 cette année, cette fois sur les deux étages de l’Espace-congrès.

Le Chef !

Gratuit pour les enfants, 3 € pour les parents : y avait pas que des bobos, les familles populaires de ce coin du Val-de-Marne ont vu là une excellente sortie du week-end. Tous les sens sont mis en éveil : les enfants peuvent toucher des pieuvres, des poissons qu’ils ne connaissent parfois que sous forme panée…

Devant un stand fruits et légumes

À la cérémonie d’inauguration, dans les travées, du beau monde : députée et sénateur fraichement élus, conseillers départementaux. La maire de Chevilly-Larue rappelle l’engagement de feu le Val de Bièvre pour une cité de la gastronomie (Rungis restant avec Orly le pôle d’emplois le plus important du Grand-Orly-Seine-Bièvre). Et bien sûr, notre bon maire proclame à la tribune que la bonne nourriture est une « priorité » pour Villejuif. Comme on va le voir, il semble avoir omis d’en informer sa maire-adjointe en charge de l’école et de la Politique de la Ville…

Vif succès de La Grande Ourse

La Grande Ourse est une association d’éducation populaire dans laquelle L’Avenir à Villejuif s’est beaucoup impliquée. Il s’agit à l’origine de créer un lieu convivial, solidaire, orienté vers la mise en pratique du développement soutenable, notamment dans la lutte contre le changement climatique et contre la malbouffe. L’idée est l’éducation par l’exemple et la participation. Concernant la bonne bouffe, elle va montrer, en priorité pour les habitants des quartiers populaires, qu’il est possible de se nourrir bien, bon, bio et pas cher. La cuisine goûteuse et saine (= sans pesticide chimique) n’est pas chère, si on la combine avec une baisse de la consommation de viande. Sans être forcément végétarien ou végan à plein temps, il faut donc faire connaître la bonne cuisine d’origine végétale. Et s’appuyer aussi sur le savoir-faire des immigrantes, des quartiers populaires…

Mise en place, sous l’oeil de la grande ourse
Toutes en piste !

La Grande Ourse a cherché, sans succès, à louer une boutique de l’OPH de Villejuif. Pour l’instant elle est donc itinérante, opérant tantôt dans les quartiers populaires (par exemple à la MPT Gérard-Philippe), tantôt en partenariat avec des commerces de la rue Lebigot en centre ville : le nouveau marchand de fruits et légume bio, la libraire coopérative Points Communs, le Café du Théâtre. Les notions de coopération, de réseaux et de partenariat sont centrales : les plats sont préparés en ateliers ouverts, les somptueux tabliers ont été réalisés par une adhérente du SEL (le système d’échange local) de Villejuif (à partir de wax de l’incontournable Toto-Soldes, avenue d’Italie dans le 13e).

Les remarqués tabliers

Il ne s’agit pas de devenir un simple « traiteur pour évènements associatifs » : au Salon de la Maison Commune organisé à la MPT Gérard-Philippe le 26 novembre prochain par les paroisses de Villejuif, autour de l’Encyclique écolo Laudato Si’ du Pape François, La Grande Ourse ne cuisinera pas mais proposera des jeux pédagogiques et une conférence.

Au Salon #Bon, La Grande Ourse proposait des assiettes bio et végétariennes complètes et copieuses pour 5 euros, des gâteaux, des « boissons du monde » (jus de baobab, bissap et carcadeh, kefir, thés et tisanes), des fruits « intéressants » de la boutique bio de la rue Lebigot, et grâce à Claude Lorénian des pommes de Villejuif. Ainsi qu’un atelier origami et un jeu autour des graines (les reconnaître, distinguer céréales et légumineuses... )

Atelier pliages

Le lien entre ESS, « bonne bouffe » et climat

On devine que ce genre d’association, diffusant une éducation sur des thèmes d’une actualité officiellement reconnue comme brûlante, intéresse tous les pouvoirs publics. L’État finance un emploi aidé pour La Grande Ourse. Le jury de l’appel à projets « exemplaires pour le climat » du Val de Marne l’a retenue comme lauréate. Et ce sera la seule nouveauté villejuifoise (outre les initiatives de structures déjà anciennes : Ressourcerie, Maison des parents, EDI-Faire) annoncée dans le cadre du mois de l’Économie sociale et solidaire du Grand-Orly-Seine-Bièvre. Quel contraste d’ailleurs avec novembre 2015, époque où Villejuif était en pointe !

On peut s’étonner que le Val-de-Marne couronne, sur le climat, une association qui jusqu’ici se distingue surtout sur la question de l’alimentation, et que le Grand-Orly-Seine-Bièvre en fasse un exemple d’économise « sociale et solidaire ». En fait, les trois aspects sont liés.

Déjà, l’idée que la nourriture bio serait inaccessible aux habitants des quartiers populaires doit être combattue. Les pauvres aussi ont droit à la santé et donc à la bonne alimentation ! La Grande Ourse vise précisément à démontrer qu’un repas bio et équilibré (selon les normes nationales PNNS) peut revenir moins cher, si l’on mange moins de viande. Les femmes d’origine étrangère habitant dans ces quartiers prioritaires pratiquent d’ailleurs très souvent une cuisine méditerranéenne ou africaine en grande partie végétarienne. Les ingrédients achetés à des producteurs en circuits courts (l’AMAP, l’Étal solidaire) ou à des commerçants de proximité reviennent moins cher que les produits non bios des supermarchés. La Grande Ourse fait aussi découvrir ces lieux d’approvisionnement.

Même lorsque des produits bio sont plus coûteux, ils contiennent davantage de nutriments. Et diminuer la part de viande fait baisser significativement le prix du repas. Que l’on pense ou non que seule une alimentation végétarienne est saine et moralement acceptable, le fait est qu’elle plus économique, meilleure pour la santé et pour l’environnement. Or les familles à faible revenus ont du mal à se soigner : mieux vaut éviter les maladies !

D’ailleurs la lutte contre la malbouffe et son cortège d’obésités, diabètes, cancers, maladies cardio-vasculaires, ainsi que l’urgence climatique et le problème de la faim dans le monde, font de l’évolution vers cette alimentation une forte demande actuelle. Le rapport de synthèse de l’Académie des sciences Démographie, climat et alimentation mondiale (2011) montre que c’est la seule solution durable.

Pourquoi ce lien entre le climat et l’alimentation mondiale ?

-  D’une part, il faut 7 à 10 fois plus d’espace pour produire les protéines, nécessaires au développement de nos enfants, sous forme animale que sous forme végétale. La Terre peut nourrir au maximum 15 milliards d’humains… à condition de ne pas gaspiller la nourriture produite (actuellement 40%) et de ne pas concéder trop d’espace au bétail.

-  D’autre part, près de la moitié du gaz à effet de serre produit par l’Humanité vient du système agro-alimentaire mondial « tout compris », de la déforestation à la décomposition des ordures ménagères, en passant par les transports, la production des engrais chimiques, etc. Et près de la moitié de cette moitié vient de la production de viande et de lait.

Encore faut-il convaincre parents et enfants que les protéines végétales, c’est bon… quand c’est bien cuisiné. Et voilà pourquoi La Grande Ourse était au Salon #Bon !

Quand la maire-adjointe refuse de comprendre

L’établissement public territorial Grand-Orly-Sein- Bièvre (l’EPT 12, ou GOSB) a un dispositif d’aide à l’économie sociale et solidaire, le Fond d’Initiative Locale (FIL), qui dépend de la Politique de la Ville, pour les associations avec un salarié opérant sur les quartiers populaires : La Grande Ourse est en plein dans son cœur de cible.

La Politique de la Ville est de la compétence exclusive du GOSB, mais les dossiers de candidature sont préparés et instruits par les services des villes. En outre, le GOSB n’est qu’une coopérative de villes, ce qui veut dire, pour la droite et les communistes, qu’il est soumis à la décision des maires.

Donc La Grande Ourse, avec l’aide des services villejuifois de la Politique de la Ville, prépare un dossier pour le FIL. Tout semble aussi bien se passer qu’avec l’État et le Département. Mais patatras ! Sa présidente, Sylvie Thomas, reçoit la lettre suivante de Fadma Ouchard, maire-adjointe de Villejuif en charge de la Politique de la Ville, qui refuse de transmettre le dossier au GOSB :

Lettre de Fadma Ouchard

Argument central : la nourriture bio, c’est trop cher pour les pauvres, c’est pas forcément ce qu’il y a de plus sain, donc ce n’est pas une priorité pour notre municipalité.

Arguments stupéfiants, totalement contradictoires avec le discours du maire au Salon #Bon, et à son discours chaque fois qu’il s’agit du bio dans nos cantines : « oui, il faut aller chaque année vers plus de bio » !! À quoi bon, selon Mme Ouchard, si la nourriture bio n’est pas plus saine ?

Argument étonnant : justement La Grande Ourse cherche à inventer des menus qui rendent la bio accessible aux quartiers populaires.

D’ailleurs, qu’est-ce que ça peut faire à Mme Ouchard ? Ce n’est ni elle ni Villejuif qui paie : le budget du FIL est annuel, et si ça ne va pas à La Grande Ourse ça ira dans une autre ville…

Mais peut être son troisième argument « attendre un an » est-il une invitation à un nouvel examen ? Sylvie Thomas lui répond donc très aimablement :

Réponse de Sylvie Thomas

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