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Conseil municipal du 13 nov. 2018 (2)

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16 novembre 2018
Alain Lipietz

Un projet de budget cyniquement insincère

Le rapport d’orientations budgétaires 2019 annonce un nouveau budget insincère : le maire fera voter des effectifs et des dépenses mais prévient déjà qu’il ne les réalisera pas.

La manœuvre du maire est maintenant claire (ça fait plusieurs fois qu’il l’utilise). La nouveauté, c’est qu’il l’annonce noir sur blanc. Il fait voter des effectifs théoriques, mais par des brimades et mises au placard il pousse les agents au départ et n’embauche pas le personnel correspondant, ce qui lui permet de dégager une marge de 6 millions chaque année. De même il ne dépense pas l’argent prévu au budget d’investissement et reporte les crédits d’une année sur l’autre.

La « capacité d’investissement » augmente ainsi d’une année sur l’autre : le maire croit ainsi pouvoir se vanter d’une gestion saine, alors qu’il annonce une augmentation de 50% de la population de Villejuif dans sept ou huit ans, et n’ajuste pas les équipements publics à cette croissance de la population.

Cette année, le maire veut aller très vite. Le budget 2019 sera voté en décembre prochain, le rapport d’orientations budgétaires est débattu aujourd’hui, alors que nous ne connaitrons ni ce qui restera en caisse au 1er janvier (le budget voté pour 2018, mais non dépensé), ni ce que l’État et les autres collectivités nous verseront, ni ce que les impôts rapporteront à la Ville. On ne connaît ces données qu’au premier trimestre de l’année suivante, c’est pourquoi traditionnellement le budget d’une ville n’est voté qu’en mars-avril.

Pourquoi cette précipitation ? Pour que le budget, voté dans le flou, soit totalement insincère.

En ce conseil municipal du 13 novembre, la manœuvre se déroule en quatre étapes.

1. Nouvelles embauches à la direction

Un premier rapport dédouble plusieurs directeurs généraux adjoints ou directeurs de services par de nouveaux « adjoints ».

Bizarre n’est -ce pas ? En arrivant à la mairie, F. Le Bohellec avait décrété qu’il y avait trop de directeur généraux adjoints (DGA) et qu’il fallait « simplifier » en regroupant les services autour de 3 pôles, chacun dirigé par un ou une DGA. Puis il a recruté ou promu le Directeur Général des Services (DGS) et trois DGA. Il a déjà viré son premier DGS, qui refusait de pratiquer la « chasse aux sorcières » sur liste noire, expédié une DGA en maladie et placardisé un autre. 16 sur 18 des directeurs de services sont partis exaspérés, dont plusieurs pourtant nommés par lui, comme le directeur des sports, très apprécié, parti en déclarant « Il n’y a pas que le salaire qui compte, il y a les relations humaines… » Même chose chez les meilleures des chargées de missions.

Certaines des propositions qui nous sont faites visent à revenir sans le dire à l’ancien organigramme, car les DGA et directeurs survivants sont épuisés. Mais surtout, dans un cas discuté en Comité technique paritaire, il s’agit de placardiser une personne qui « déplait ».

Nous votons contre dans ce dernier cas, car nous connaissons le dessous des cartes, et nous abstenons sur les autres, dont nous ne savons rien. Mais le maire a sa majorité de deux voix et demi assurée*.

2. Le tableau des effectifs.

C’est ici que se confirme la supercherie des budgets du maire et que s’explique l’épuisement des agents.

Le rapport commence (article 1 et 2) par supprimer 68 postes et en créer 17, soit 51 postes de moins par rapport à ce qui a été voté dans le budget 2018. Mais ce n’est rien ! L’article 3 présente la « photo instantanée » des effectifs au 31 avril 2018. Là il y a 1300 postes « budgétés » et 1178 postes effectivement occupés. 122 postes non pourvus, dont le manque pèse sur tous les services dus aux Villejuifois !

En première commission, j’ai demandé si les 1300 postes tenaient compte des 51 supprimés ce soir. On m’a répondu que oui ! Bizarre : la « photo instantanée » au 31 avril enregistre déjà un changement voté le 13 novembre….

Donc, même en supprimant 51 postes officiels, il reste encore 122 postes non pourvus. En début d’année, il n’en manquait que 99 et le maire, la main sur le cœur, promettait, croix de bois croix de fer, qu’ils seraient pourvus « dans l’année »… Et en fait il y a encore plus de salariés manquant dans les services.

C’est ainsi, en laissant vacants les postes budgétés, que près de 6 millions d’euros d’excédents ont pu être dégagés sur l’exercice 2017, et le maire s’est vanté d’avoir fait des économies. On voit que très probablement il en sera de même à la fin de 2018. Traduction : tout en maintenant la hausse de 800 000 euros des impôts extorqués aux Villejuifois chaque année depuis 2015 (quand la situation était vraiment critique) et qui devait n’être que provisoire, il n’a pas rempli le contrat et ne leur a pas fourni les services promis.

Toutes les oppositions votent contre cette pitrerie.

3. Le 1er budget supplémentaire

Il s’agit de voter ce qu’on fait des excédents de l’année précédente (2017) que l’on connaît depuis le printemps dernier, grâce aux comptes administratifs. Voici ce rapport :

On constate que cet excédent 2017 est énorme : 32 millions ! Pour l’essentiel, il s’agit d’argent voté (dont les 800 000 euros de la hausse d’impôts) que le maire, par calcul ou par incompétence, n’a pas su ou pas voulu dépenser conformément à ce qui a été voté : ni en dépenses de fonctionnement, ni en investissements. Deux-tiers des investissements prévus n’ont pas été réalisés ! Et dire que le maire a pu faire avaler aux juges qu’il avait besoin de vendre la Bourse du travail pour financer ses travaux pendant l’été 2017 !! La supercherie a été démontrée et le maire a été condamné par la justice.

Mais il apparaît autre chose : le maire avait sous-estimé les recettes fiscales, subventions de l’État etc. Bref le budget 2017 était insincère des deux côtés, recettes et dépenses. Nous l’avions annoncé, nous avions voté contre, et le maire et son adjoint Obadia nous avaient menacés de plainte en diffamation : Vous parlez d’un budget insincère. Les mots ont un sens. Souhaitez-vous rentabiliser votre avocat ?

Nous avions donc raison.

On nous demande de voter le report de ce gros magot, la valeur d’un groupe scolaire entier, dans le budget « investissement » de 2018. Il reste 6 semaines pour le dépenser, ce qui n’aura pas lieu (ou alors en gaspillages propres à toutes les surfacturations), il sera donc reporté sur le budget 2019. Je rappelle qu’il s’agit de l’argent de 2017 ! Et le même phénomène se reproduira fin 2018, élargissant encore la réserve pour 2019 et 2020 ….

4. Le Rapport d’orientations budgétaires 2019

L’an dernier il faisait trois pages, ce qui avait provoqué l’interruption du débat. Le préfet était sans doute intervenu, car le maire en grommelant avait dû en écrire et mettre au débat un autre.

Cette année il est épais, précis, et même… plutôt cynique ! Le voici :

Dès la page 7 il annonce : « Un niveau d’épargne brut [ce qui reste après les dépenses de fonctionnement, dont les salaires] ou « autofinancement » ambitieux de 9 millions d’euros sera dégagé dès le vote du budget primitif, l’objectif à atteindre en exécution demeurant 15 millions.  »

Cette fois c’est clair, et il faut que le maire croie dur comme fer en son impunité pour écrire aussi cyniquement que le budget que vous allez voter, Messieurs-dames les élus, est insincère, j’ai bien l’intention de dépenser 6 millions de moins que ce que vous allez voter ! Et on fera encore une fois ces économies sur le dos des familles villejuifoises et des salariés municipaux, malgré l’énorme magot amassé depuis 2017… Or, rappelons-le, il s’agira de la dernière année pleine du mandat de Franck Le Bohellec.

Où trouvera-t-il ces nouvelles « économies » de 6 millions d’euros ? Eh bien encore une fois en n’embauchant pas les postes budgétés ! Et cyniquement le rapport affiche (p.17) comme effectifs prévus pour fin 2018, maintenus en 2019 et en 2020, le chiffre de… 1120 agents, soit 180 postes de moins que ceux qui avaient été budgétés en 2018.

Le reste du rapport est à peine moins cynique. Page 13 : « L’évolution de la masse salariale correspondra aux seuls besoins des nouveaux équipements destinés au public. » (En 2019 il s’agira de l’école Simone Veil sur le terrain des réservoirs). Et c’est traduit : +2% pour la masse salariale. Or la hausse des prix est actuellement proche de 2 %, le « glissement vieillesse-technicité » sera sans soute proche de 2% (car la moyenne de nos salariés vieillit sur place, puisqu’on n’embauche pas), ce qui absorbera, et au-delà, les +2% de la masse salariale. Il n’y aura pas de budget pour de nouvelles embauches. Donc les salariés des « nouveaux équipements » (l’école Simone Veil, les nouveaux policiers) seront soustraits des salariés des anciens équipements (les ATSEM et animateurs des Accueil De Loisir des autres écoles, le service de nettoyage des rues, les animateurs des MPT et des structures ouvertes pour les ados, etc).

Et pour les frais de fonctionnement hors-salaires ? Le total augmentera de… 0 %. Le papier de toilette et produits d’entretien de l’école Simone Veil sera donc prélevé sur les autres écoles.

Villejuif, ville accueillante aux jeunes couples avec enfants !

Toujours très franc, le rapport précise même (p. 19) que le prétendu « absentéisme » anormal du personnel de la Ville s’explique déjà par l’interruption de « l’effet noria » : comme les vieux qui partent ne sont pas remplacés par des jeunes, le personnel vieillit. 40 % a plus de 50 ans. Selon une étude de Sofaxis, cela explique déjà la moitié de l’écart de l’absentéisme villejuifois à la moyenne nationale. L’autre moitié s’explique directement par la fatigue due aux sous-effectifs et le stress dû au harcèlement.

D’ailleurs, le « torchon des 17 » accusant les salariés de prendre des congés-maladie comme des « tickets » de congés-vacances vient d’être condamné par la justice comme « diffamatoire ». Bizarrement, seul le responsable du site internet de la liste le Bohellec est condamné à une injuste amende : il n’est pour rien dans sa rédaction !

On trouvera dans le beau texte des élus du personnel de Villejuif, CT : la dernière séance un excellent résumé de ce qu’auront été les 4 premières années du mandat de F. Le Bohellec : en 2014 de grands espoirs que « ça change », puis la déception, et le désespoir.

Que va-t-on faire de ce pognon dingue si on n’a plus de réserve foncière ?

Dans mon intervention, je raille ce rapport qui dénonce à l’avance comme insincère le budget voté le mois prochain. Je détaille comment l’argent s’accumule dans un budget d’investissement non-dépensé. Tous les « projets de nouveaux équipements » dont se targue le maire dans le dernier numéro de Villejuif notre Ville existaient déjà quand Natalie Gandais en avait la charge en début de mandat, le problème est que F. Le Bohellec prend du retard à les réaliser. Comme s’il voulait être jugé à la fin de son mandat sur un seul critère : le remboursement de la dette héritée de Mme Cordillot. Or ce n’est pas le plus urgent : pendant la totalité de son mandat, les taux d’intérêt ont été très faibles.

Le maire, qui doit rassurer ses supporters dans le public, hasarde : « M. Lipietz est sans doute un grand économiste, mais nous avons deux philosophies différentes. Je ne vois pas pourquoi emprunter alors que nous avons l’argent. »

Je suis donc obligé de ré-intervenir :

« Nous avons l’argent mais nous n’avons plus ni les terrains ni les services ! Vous aurez consommé la totalité des réserves foncières de la Ville en les vendant aux promoteurs. Selon vous, la population de Villejuif aura augmenté de 50% dans 8 ans. Il faudra donc avoir augmenté de 50% les places dans les écoles et collèges, la taille des piscines, des trottoirs, des parkings etc ! Et quand nous vous succèderons en 2020, nous aurons peut-être l’argent, mais ne saurons plus où mettre les nouveaux équipements, et le terrain coutera très cher. Le problème sera insoluble, c’est à vous dégoûter d’être candidat en 2020 ! »

Rires dans la salle… Interventions de P. Nunes sur les Atsem, puis de Natalie Gandais sur la police municipale, qui fait exploser le maire, le débat et le conseil.

Note

*Rappelons qu’avant les vacances le maire a « racheté » un élu MRC de la liste de Mme Cordillot nommé conseiller délégué, que pendant l’été il a récupéré Mme Dumont-Monet restée conseillère déléguée (environs 625 euros par mois), enfin notre amis Sylvie Thomas a démissionné du conseil municipal et est remplacée par la suivante sur la liste, Cristelle Esclangon, Modem. Mais contrairement à leur ligne nationale, les Modem villejuifois se sont ralliés à un maire LR tendance Wauquiez.

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Le compte-rendu du conseil municipal du 13 novembre est en trois parties :

1. Une police municipale, pour quoi faire ?

2. Un projet de budget cyniquement insincère

3. Développement durable à Villejuif : peut (beaucoup) mieux faire

Suite à incident, le quorum n’étant plus atteint, le conseil reprend le 20 novembre :

Les Groooos mensonges du maire

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