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27 mars 2019
Alain Lipietz

Mise en place de la Zone à Faibles Emissions : notre recours gracieux

Recours adressé au maire de Villjuif suite à sa décision de ne pas mettre en oeuvre "en l’état" la décision de la Métropole de créer une zone à faibles émissions à partir du 1er. juillet 2019.

Nous avons régulièrement exposé ici les progrès de la mise en place d’une zone à faibles émissions par la Métropole du Grand Paris, face aux 8500 morts par an provoquées dans la métropole par les microparticules liées au diesel,

La semaine dernière, le maire a adressé une longue lettre aux Villejuifois sur le sujet. Dans un flot de déclarations prétendument "écologistes" , la décision de ne pas mettre en oeuvre "en l’état" cette mesure se cachait ... page 2 au milieu.

Notre groupe a aussitôt réagi à cette décision extrêmement grave par un article sur notre site promettant un recours gracieux. Le voici.

*******

Alain Lipietz
Président du groupe municipal
L’Avenir à Villejuif

Villejuif le 27 mars 2019

à : M. le Bohellec
Mairie de Villejuif

Objet : Recours gracieux relatif à la mise en place de la Zone de Faibles Émissions au 1er juillet 2019 à Villejuif

Monsieur le maire,

L’état actuel des lois régissant les collectivités territoriales confie à la Métropole du Grand Paris (MGP) la compétence « Environnement ». À ce titre, celle-ci a décidé, le 12 novembre 2018, la mise en place progressive d’une Zone à Faibles Émissions (ZFE) sur la Petite couronne (intérieur de la A86) à partir du 1er Juillet 2019. Les aides à la transition pour les détenteurs de vieux véhicules diesel ont été aussitôt rendues publiques, annoncées dans la presse locale, et un site dédié à ces aides (cumulables avec les aides de l’Etat) a été créé..

Cependant, il vous appartient en tant que maire de signer les arrêtés municipaux correspondants, relatifs à la circulation sur la commune de Villejuif.

Dans une lettre de 8 pages distribuée aux Villejuifois et datée du 18 mars 2019, vous leur annoncez, page 2, que l’échéancier de mise en place de la ZFE est « en l’état irréalisable sans augmentation des aides à la transition. » Vous précisez à la fin du texte que des aides nouvelles ne pourraient venir que de « la Métropole et de l’État », sans envisager de concours de la Ville, ni même informer les Villejuifois, dans votre 8-pages, des aides existantes de ces deux institutions.

Au nom du groupe municipal L’Avenir à Villejuif que je préside, j’ai l’honneur de vous demander, Monsieur le maire, de bien vouloir annuler cette décision, de vous conformer à la décision du Conseil Métropolitain, et de mettre la ville en état de s’y conformer.

1. L’enjeu

Le 17 mai 2018, après de longues années de patience, la Commission européenne a traduit l’État français en justice, pour inaction devant la dégradation de la qualité de l’air dans ses métropoles et certaines vallées, dépassant du double les normes européennes, pourtant moins exigeantes que les préconisations de l’Organisation Mondiale de la Santé.

A ce moment, selon l’OMS , les seules microparticules telles que celles émises par les moteurs diesel tuaient en France 35 000 personnes par an. Puis ce chiffre a été réévalué à 48 000 personnes par an, dont 6000 dans la métropole du Gand Paris. C’est le chiffre que vous citez. Selon une étude encore plus récente, il faudrait parler de 40% de plus, soit 68 000 personnes en France et 8400 personnes par an dans le Grand Paris… et un millier dans le Grand Orly Seine Bièvre, dont Villejuif est une des villes les plus exposées avec Gentilly et Arcueil.

Les textes européens prévoient une sanction d’au moins 11 millions d’euros et des astreintes journalières d’au moins 240 000 euros jusqu’à ce que les normes de qualité de l’air soient respectées.

Selon l’article L 1611-10 du Code Général des Collectivités Territoriales, en cas de condamnation de la France par la Cour de justice européenne, et dès lors que le manquement résulterait de la responsabilité de certaines collectivités locales, l’État pourra répercuter cette amende sur ces collectivités.

Ainsi, tout décalage dans le temps de la mise en œuvre de la Zone à Faibles Émissions tuerait de l’ordre d’une centaine de Villejuifois pour chaque année de retard, et de plus les Villejuifois seraient condamnés à prendre sur eux une partie de l’amende infligée par l’Union européenne !

2. Aspects légaux

Devant la menace, la MGP a réagi. Comme le rappelle M. Ollier, son président (et membre de votre parti), dans sa lettre aux maires du 2 novembre 2018, c’est dès le 8 décembre 2017 qu’à l’unanimité le Conseil de la MGP, dont vous faites partie, arrête le projet de Plan Climat Air Énergie Métropolitain, incluant la ZFE, qui sera adopté le 12 novembre 2018. Un comité de pilotage est mis en place. Le 8 octobre 2018, l’État et les 15 zones françaises concernées par le dépassement des normes européennes signe un engagement commun. Le 24 octobre 2018, sa commission du développement durable présidée par M. Reda, maire de Juvisy et votre collègue au Conseil du Grand Orly Seine Bièvre, approuve le projet précis de ZFE.

Et le 12 novembre 2018 celui-ci est adopté à une grande majorité (seuls les communistes votant contre), ainsi qu’une motion présentée par le groupe EELV qui propose une série de mesures pour faciliter sa mise en œuvre, y compris pour les propriétaires des véhicules les plus polluants. A ce conseil, contrairement à ce que vous affirmez de votre lettre, vous ne vous êtes pas abstenu : vous étiez absent, ayant convoqué à la même heure un conseil municipal extraordinaire pour entendre un exposé sur l’état d’avancement des travaux des lignes de métro M 14 et 15.

Pendant ce temps, le conseil municipal de Villejuif ne reste pas inactif. A l’initiative de notre groupe L’Avenir à Villejuif, il adopte le 10 octobre 2018, à la quasi-unanimité des voix dont la vôtre, un vœu qui « demande au bureau municipal de mettre en œuvre sans attendre une réflexion et une action pour rejoindre le plus rapidement possible les engagements du réseau des villes Zéro-émission ». Lors des conseils municipaux suivants, nous demandons où en sont ces travaux (qui dès lors s’inscrivent dans la mise en œuvre de la décision de la MGP pour des émissions « limitées »). Vous nous répondez que vos services y travaillent…

La décision du 12 novembre 2018 créant la Zone à Faibles Emissions, il y a cinq mois, a donc été précédée elle-même de 10 mois de travaux que vous avez pu suivre, et anticipée par notre conseil municipal qui allait jusqu’à écrire « zéro émission ».

La position personnelle exprimée par votre lettre de 8 pages aux Villjuifois de 18 mars 2019 pose donc deux problèmes de légalité interne :

-  Vous êtes engagé par la décision du conseil métropolitain dont vous êtes membre et à qui incombe la compétence du Plan Climat Air Énergie, y compris la ZFE. La circonstance que la loi vous laisse la responsabilité de signer les arrêtés de circulation correspondants ne saurait vous dispenser de la mettre en œuvre, mais vous investit de la responsabilité des mesures pratiques pour cette mise en œuvre dans Villejuif.

-  A Villejuif même vous êtes tenu par la prise de position du Conseil municipal du 10 octobre 2018, qui ne saurait être révoquée que par un autre vote du Conseil municipal.

3. Votre « contre »-proposition

Jugeant que la ville n’est pas prête, vous annoncez pour l’avenir une « consultation » et des efforts de votre part pour obtenir plus de subventions de la part de l’État et de la Métropole.

Le contenu de votre lettre montre surtout que vous n’avez pas fait diligence pour appliquer les décisions municipales du 10 octobre et métropolitaine du 12 novembre 2018. Dans les 8 pages de votre lettre, non seulement vous ne trouvez pas quelques lignes à consacrer au mesures d’aide aux usagers de véhicules Crit’Air 5 déjà décidées il y a 6 mois par la Métropole, dont vous affirmez sans plus de précisions qu’elles sont insuffisantes (pour mémoire, jusqu’à 4000 euros en aide de l’État cumulable avec 5000 euros d’aide de la Métropole pour un véhicule neuf ou d’occasion), non seulement vous n’évoquez aucune aide complémentaire de la part de la Ville ni de la Région, mais en outre vous avouez incidemment, en appelant à « se faire connaître de vous » les propriétaires des véhicules Crit’Air 5, que vous n’avez même pas commencé à les contacter, alors que vous n’aviez qu’à leur écrire l’an dernier, les adresses des titulaires des cartes grises correspondantes étant connues des services préfectoraux.

Il vous est donc facile de prétendre que « la ville n’est pas prête » : vous n’avez rien fait pour qu’elle le soit. Aucune des mesures venant spontanément à l’esprit lors de notre vote municipal du 10 octobre (autopartage, minibus ou taxis à la demande, négociations avec la RATP et le Grand Orly Seine Bièvre pour accroitre le nombre de bus et de Valouettes, régulation du trafic sur les axes traversant Villejuif donnant la priorité aux transports en commun, etc.) n’a manifestement été travaillée depuis le 10 octobre dernier.

Nous sommes à 3 mois de l’échéance, près de 6 mois se sont écoulés depuis ce mandat municipal du 10 octobre et, tel une Première ministre anglaise au bord du Brexit, vous renvoyez la balle vers d’hypothétiques nouvelles négociations, alors que le Comité de Pilotage de la Métropole travaillait avec les maires depuis décembre 2017 !

Quant à votre promesse de « consultation », nous ne saurions que vous approuver s’il s’agit d’accélérer la transition vers des modes de déplacement doux ou collectifs. C’est ainsi que Mme Gandais avait procédé en 2015 pour la mise en place du Pan vélo, adopté à l’unanimité du Conseil municipal après plusieurs séances publiques de travail !

Mais il serait illogique d’en faire un processus décisionnel : la décision de créer ou non la ZFE étendue à la Petite couronne (Paris est déjà engagé) ne peut concerner que l’ensemble des villes de la Petite couronne ! Elle a été prise par le Conseil de la Métropole.

Au contraire, une ville isolée prenant une décision contraire commettrait une double inconséquence :
-  Ses véhicules, cernés par d’autres villes de la ZFE, ne pourraient sortir de la ville.
-  En revanche, les microparticules émises, poussées par les vents, se répendraient sur les autres villes. La pollution ignore les frontières municipales !

Certes, les particules émises par les moteurs diesel tuent principalement à une distance de 100 mètres de l’endroit où elles ont été émises (et prioritairement les petits enfants). C’est d’ailleurs pourquoi nous avions tant insisté, lors de l’élaboration du PLU, pour interdire de construire logements ou écoles à moins de 100 mètres de l’autoroute A6.

Les centaines de morts qui résulteraient de votre retard à mettre en œuvre la ZFE seront principalement villejuifoises, mais humainement parlant ce n’est pas une raison. Politiquement parlant, nous espérons que cette responsabilité vous fera réfléchir.

Écoutez, Monsieur le Maire, l’appel des dizaines de milliers d’adolescents qui défilent dans la Métropole pour demander aux adultes responsables de respecter leur droit constitutionnel à un environnement sain !

Dans l’attente d’une réponse favorable au prochain conseil municipal, je vous prie d’agréer, Monsieur le maire, l’expression de ma considération distinguée.

*****

Quelques compléments.

* Certains répondent : commençons par les navires qui polluent ! Evidemment, le trafic des paquebots sur la Bièvre ne nous pollue pas beaucoup, mais là aussi on progresse, il était temps.

* Nous n’avons pas de détails sur le nombre de morts à Villejuif, parmi les 1000 morts par an dans le Grand Orly Seine Bièvre. Quand je dis que la pollution se concentre sur Arcueil , Gentilly, le KB et Villejuif, regardez les cartes d’Airparif. Sans surprise, la pollution se concentre sur les axes routiers nord-sud : à Villjuif, l’A6, Grosménil et la N7, et moindrement sur les barreaux est-ouest (rue H. Barbusse, Paul-Vaillant-Couturier, Ave. de la République).

* Quant à la situation de l’air dans les écoles et crèches de Villejuif, elle est acceptable (selon les critères européens, beaucoup moins sévères que ceux de l’Organisation Mondiale de la Santé) dans les école du centre et du sud, inquiétante seulement dans les crèches Barbusse (Eugénie Cotton) et Esselières, au nord de la ville.

Voyez la carte interactive ici Agrandissez-la jusqu’à voir Villejuif, puis cliquez sur l’école qui vous intéresse. Prenons une école "verte" selon la carte (qui utilise les normes françaises), par exemple le groupe scolaire Joliot-Curie. Mais on voit sur le tableau qui apparait en cliquant que le taux de microparticules dépasse encore le niveau considéré comme dangereux par l’OMS, soit 10 microgrammes par mètre cube ! Et c’est pareil dans toutes les écoles de Villejuif pour les microparticules, et souvent pour le niveau d’oxydes d’azote. Il est donc trompeur de les mettre en "vert". Ici je montre les résultats pour la crèche Barbusse (Eugénie Cotton) :

* "Plaie d’argent n’est pas mortelle", mais, en plus de tuer, la pollution de l’air rend malade des centaines de milliers de personnes : asthme, maladie cardio-vasculaires, cancers, et même autisme semble-t-il. C’est douloureux, et ça coute beaucoup d’argent. Voici les chiffres pour l’économie toute entière : 60 milliards en Europe

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