L’Avenir à Villejuif
Écologie - Démocratie - Solidarité

Categories

Accueil > Actualités > Le problème du lycée privé n’est pas qu’il est catholique…

Conseil municipal du 29 mai 2018 (1)

Imprimez !
1er juin 2018
Alain Lipietz

Le problème du lycée privé n’est pas qu’il est catholique…

En exigeant une « dérogation exceptionnelle » pour vendre un terrain public municipal, afin de construire un lycée catholique dont le plan était révélé le jour même dans Le Parisien, le maire a commis de multiples fautes. Mais notre critique n’est pas celle de l’anticatholicisme primaire…

Le conseil commence très mal. Pas très sûr de sa demi-voix de majorité achetée à un élu de la liste de Mme Cordillot, le maire refuse le pouvoir de l’élue France Insoumise envoyé par SMS ! Il sait pourtant très bien que les messages électroniques ont désormais même valeur juridique que les messages-papier. Et comme M. Gaborit, ex-FN sans étiquette mais dans l’opposition, n’a pas envoyé de pouvoir, ce conseil ne va poser aucun problème au maire. Ça tombe bien : il est presque entièrement consacré au blindage de sa future campagne électorale.

Nous donnerons dans un prochain article le détail de ce « blindage », mais nous commençons par ce qui fait le plus grand bruit : l’affaire du lycée catholique. C’est le rapport 207, que voici :

Le rapport autorise le maire, par « dérogation à la loi », à transformer le domaine public où sont actuellement les serres de la commune (55 rue de Verdun, en face des Hautes bruyères) en « bien privé de la commune » afin de pouvoir le vendre au diocèse pour y construire un lycée catholique. Le jour même, un article du Parisien révèle que le projet est déjà très avancé, l’architecte choisi, et on a même un dessin du futur lycée qui révèle son nom (Saint-Joseph), sans aucune consultation ni des riverains ni bien sûr du conseil municipal :

C’est D. Girard, du PS, qui ouvre le débat. Avec des trémolos, il dénonce un « viol de la laïcité » : on brade le domaine public pour les intérêts d’une religion. Le PCF, nettement plus prudent, se limite, par la bouche de Mme Cordillot, à dénoncer la « braderie » et à regretter l’extension du cimetière qu’elle avait envisagée là.

Nous, Avenir à Villejuif, allons voter contre, ni par hostilité à un lycée privé, ni parce qu’on n’aimerait pas les catholiques. Mais parce qu’à nouveau, dans sa hâte de gagner quelques électeurs, le maire supprime un domaine public très utile, le brade à des « clients » espérés (à tort ou à raison), et fait perdre des millions à la commune. Explications.

Faut-il fermer les serres de Villejuif ?

Le rapport 207 comprend deux parties, avec 2 annexes et 2 votes. La première concerne le « déclassement par anticipation ». Késako ?

Il y a deux types de propriétés publiques. Celles qui sont en fonction (un service public y est installé) ne peuvent pas être vendues : c’est le « domaine public » de l’État, ou de la commune. Mais l’État ou les communes sont propriétaires d’un tas de parcelles et bâtiments désaffectés, par exemple des « biens sans maître » dûs à des décès sans héritier. C’est le « domaine privé » de l’État ou des communes, qui peuvent les revendre comme n’importe quel propriétaire privé.

Pour vendre du « domaine public », il faut le « déclasser » en domaine privé, ce qui n’est possible que s’il n’y a plus de service de l’État ou de la Commune sur le site. Or, la parcelle concernée abrite :

-  les serres de Villejuif, où travaille une équipe du service des espaces verts et d’où partent les fleurs replantées dans les parterres et ronds-points,
-  et la Croix-Rouge, qui est une association, mais qui en contrepartie assure gratuitement le service médical lors des fêtes de Villejuif, de la Corrida etc.

Et ces deux services publics ne sont pas encore supprimés !

Pour la Croix Rouge, le maire fait ce soir-même acheter un terrain rue du Colonel Fabien (rapport 201, opération 517). Coût : 1,317 million d’euros. Ce terrain comporte deux pavillons, et selon les promesses du maire (qui valent ce qu’elles valent) l’autre serait pour les Restau du Cœur. Donc environ 650 000 euros pour le relogement de la Croix Rouge. Voici ce rapport :

Selon le maire, il s’agit de concentrer là, à la frontière de Vitry et à côté de la Ressourcerie, un « pôle des associations de solidarité ». Il ne s’agit pas de créer « enfin quelque chose dans un quartier excentré" (c’est justement à l’endroit où la Ressourcerie existe depuis des années !!! ) mais d’y transférer ce qui existe ailleurs, comme le Secours populaire (actuellement rue Paul Bert) et les Restau du coeur (actuellement près de l’entrée sur des hautes Bruyères). Au moment du vote de ce rapport, je fais observer que c’est le pire endroit pour mettre ce « pôle », complétement excentré et très loin des Quartiers prioritaires de la Politique de la Ville, et que le meilleur endroit serait au contraire… la rue de Verdun !

Quant aux serres, elles ont été de fait abandonnées par Mme Cordillot : elles ne servait plus qu’à stocker les fleurs commandées à des horticulteurs privés. Mais le service est toujours là.

Le rapport 207 s’appuie sur une exception à la loi : on peut déclasser « en urgence » un terrain qui supporte encore un service public, si on a l’intention de le supprimer dans les 3 ans. Le maire affirme que ce sera fait, le service Espaces Verts ira au pôle technique en abandonnant toute ambition horticole.

Est-ce bien intelligent, au moment où la pression monte dans la population pour relancer partout une agriculture urbaine, prise en main par les habitants eux-mêmes ?

Du temps de l’Union citoyenne, Natalie Gandais, alors première adjointe, avait organisé une formation à la « permaculture » (la culture bio dans les bacs) pour les associations d’habitants, dans le jardin de la mairie, avec l’aide de Pollinis. Depuis notre départ, c’est évidemment fini ! Mais l’association La Grande Ourse (lauréate 2017 du Prix du développement durable du Val de Marne) a repris le flambeau et organisé à ses frais une nouvelle session… dans le jardin aimablement prêté par l’église Sainte-Colombe !

Les serres de Villejuif ne pourraient-elles pas servir d’école et de base permanente pour l’agriculture urbaine, écolo, bio et citoyenne ?

En tout cas, pour supprimer ce service, il aurait d’abord fallu en discuter en Comité technique paritaire, puis le voter en Conseil municipal. Mais voilà : le maire est pressé, il veut « offrir » ce lycée à l’Église catholique… dès la rentrée de 2019, avant les élections de 2020 ! Et on l’a vu, le permis de construire est déjà pratiquement prêt.

Un terrain public bradé ?

La seconde partie du rapport attribue le terrain au diocèse et fixe le prix : un million d’euros, pour 1978 mètres carrés, soit 505 euros du mètre carré. Cela, à un jet de pierre du parc des Hautes Bruyères, des futures résidences de Campus Grand parc, et de la plus grande station de correspondance du Grand Paris Express en banlieue sud !

Annexé, le rapport des Domaines écrit prudemment que, « sous réserve des informations fournies », « le montant envisagé par la transaction n’entraine pas d’observation particulière. » Ça, c’est une évaluation !

Pour Mme Cordillot (PCF), le prix est plutôt 2000 euros le mètre carré. La Ville aurait donc pu vendre son terrain 4 millions : elle fait à l’Église catholique un cadeau de 3 millions ! Le maire rétorque que les terrains revendus par le Syndicat mixte d’Action Foncière sont beaucoup moins chers. Rires dans l’opposition : c’est justement pour constituer des réserves foncières à bas coût que le SAF a été créé : on lui rachète des terrains au prix d’il y a dix ou quinze ans…

En réalité, si on recherche le « prix des terrains à bâtir à Villejuif » sur internet, cela s’échelonne de 1100 euros/m2 (aux Lozaits) à 2100. Disons que le terrain vaut la moyenne, 1600 euros/m2. On aurait donc dû le vendre 3 millions deux cent mille, au moins, et non un million. Et n’oublions pas qu’il faut en retrancher, pour reloger la Croix rouge, 650 000 euros ! Ah, la belle opération pour les finances de la Ville !

Viol de la laïcité ou nouvelle opération de favoritisme ?

Soyons clairs : nous n’avons rien contre les religions, protégées en France par la laïcité : c’est l’article 1 de la loi de 1905 et l’article 18 de la Déclaration Universelle des droits de l’Homme. Nous avons organisé un colloque sur la laïcité avec nos amis chrétiens, musulmans, juifs ou bouddhistes.

Nous n’avons pas non plus l’intention de relancer la guerre scolaire. L’armistice a été sonné sous le Président Mitterrand, par un ministre, JP Chevènement, peu suspect d’être anti-laïc : il y a en France deux systèmes scolaires, l’un public, l’autre privé mais conventionné avec l’État.

Nous sommes pour que la Région donne au lycée public Darius Milhaud tous les moyens pour que tous les enfants y réussissent leur scolarité, ceux des classes populaires comme ceux des classes moyennes. Malheureusement elle est dirigée par Mme Pécresse, du parti LR comme le maire de Villejuif.

Mais, en faisant du porte à porte dans Villejuif depuis des années, nous avons pu constater que même des familles pas riches des quartiers prioritaires de la Politique de la Ville se saignent aux 4 veines pour envoyer leurs enfants dans le privé (à Cachan ou ailleurs). Elles ne peuvent pas attendre que la situation s’améliore dans l’enseignement public. Et de nombreux élus ou militants « de gauche » (PCF ou PS) font de même.

Nous étions donc d’accord, au temps de l’Union citoyenne, pour l’ouverture d’un établissement d’enseignement secondaire privé à Villejuif : qu’au moins on n’oblige pas les gosses à passer des heures dans les transports. D’ailleurs, tous les établissements d’enseignement supérieur à Villejuif sont privés, et nous, Avenir à Villejuif, avons d’excellents rapports avec la direction de EFREI (école d’informatique) pour développer l’Économie sociale et solidaire en Val de Bièvre.

Ce qui nous semble inacceptable, quand une commune est si pauvre qu’elle a augmenté sa fiscalité de 800 000 euros par an sous le Bohellec, c’est de faire un cadeau de plusieurs millions, à une église ou à une mosquée, pour des raisons électoralistes, même si ce n’est pas pour un lieu de culte. C’était inacceptable au temps de l’équipe Cordillot (le terrain de l’ancienne gendarmerie acheté au département pour 2,1 millions et attribué pour rien aux promoteurs d’une seconde mosquée). Il est tout aussi choquant de faire un cadeau d’au moins 2,3 millions à l’Église catholique.

Qu’aurait-il fallu faire ? Comme Natalie Gandais l’a fait (non sans mal) quand elle était première adjointe, dans le cas de la Halles des sports : lancer un appel à projet, du genre « la Ville de Villejuif souhaite la construction d’un lycée privé sur ce terrain et le vendra au projet le meilleur pour la ville et les habitants ». Dans le cas de la Halle des sports, en ouvrant la concurrence, elle a fait gagner à la Ville 3 millions de plus que par l’attribution de gré à gré à un promoteur envisagée par Mme Cordillot et conclue en secret par le maire F. le Bohellec dès les premiers jours de son mandat. (L’enquête sur des faits susceptibles d’être qualifiés de favoritisme est toujours en cours).

C’est probablement une institution catholique qui aurait emporté le marché ? Pas de problème. Mais au moins la Ville aurait pu faire une affaire.

***

Tels sont les points de notre intervention pour expliquer notre vote « contre ». Mais le maire a sa majorité automatique : c’est plié.

Le compte rendu du conseil municipal du 29 mai 2018 est en 4 parties.

1. Le problème du lycée privé n’est pas qu’il est catholique…

2. Tournant autoritaire pour préparer les municipales

3. L’offensive contre le mouvement associatif et les parents d’élèves

4. La droite vote pour la reconstruction de l’incinérateur d’Ivry

Partager

Commentaires

3 Messages

  • Alain Lipietz 2 juin 2018
    14:23

    Ça n’a pas trainé ! Il n’a fallu que 72 heures pour que le maire, après avoir fait voter mardi par sa majorité l’urgence de déclasser les serres de Villejuif, "CONSIDÉRANT que ce site doit faire l’objet d’une cession financière au profit du Diocèse de Créteil pour permettre la réalisation d’un lycée privé de 300 élèves pour l’année scolaire 2019-2020,", le maire annonce sur son facebook, vendredi à 23 heures, que finalement le lycée ouvrira en 2020. Découverte des multiples fautes juridiques commises mardi et qui risquent d’entrainer une année de contentieux ? Ou volonté de tromper dès l’origine sur l’urgence d’un déclassement ?

    repondre message

  • rollin-coutant 10 juin 2018
    14:30

    tous les conseils Municipaux on leur lot d’embrouilles, comment pouvez-vous continuer de travailler sérieusement dans ce bazar ?...La ville est dans un état DÉPLORABLE cela bétonne de partout, les rues sont impraticables à certaines heures, des déviations, des rue coupées...et je ne vous parlerai pas des trottoirs qui sont pires que les rues. QUE FONT LES SERVICES DE NETTOYAGES DE CETTE MAIRIE ?
    Les binettes cela existe nos trottoirs vont devenir des forêts vierges.

    repondre message

    • Alain Lipietz 10 juin 2018
      23:45

      Chère Jeanine
      Nous nous posons à chaque conseil la même question. C’est épuisant et inintéressant car de toute façon le maire se fiche de ce que nous racontons et sa majorité vote en automatique.
      Mais nous avons été élu-e-s par les habitant-e-s, notre devoir à leur égard est de rester pour limiter les dégâts, si c’est possible. Et en tout cas en avertir les autorités (Préfet, Procureure de la République, Tribunal administratif,)

      repondre message

Répondre à cet article

Vous retrouverez cette page sur internet :
http://laveniravillejuif.fr/spip.php?article891