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7 novembre 2017
Alain Lipietz

21 élus villejuifois dénoncent le maire à la Procureure de la République

En vertu de l’article 40 du Code de procédure pénale, ils dénoncent un faux et usage de faux en écriture publique, par personne investie d’autorité publique, dans le cadre du procès en expulsion de la Bourse du travail.

Qu’est-ce que l’article 40 ?

C’est un des plus vieux articles de la République, un des premiers au monde faisant un devoir de « lancer l’alerte ». Il fait, aux élus, l’obligation (et non la simple possibilité) de signaler un délit dont ils eu connaissance :

Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs.

Notre groupe, en la personne de Natalie Gandais, a déjà dû deux fois signaler un délit : dans l’affaire de Halle des sports, dans une affaire d’attribution d’une crèche privée.

Un difficulté de cet article de loi est que seule la justice peut décider si telle ou telle manœuvre est un délit ! Il faut donc bien comprendre qu’il s’agit de « soupçons largement fondés » de délit.

Et un faux en écriture publique ?

Ce n’est pas forcément un document faux. Ce n’est pas non plus un simple bobard, comme les politiciens sont hélas supposés en faire dans leurs discours ou dans le journal de la ville ! Toute « altération de la vérité », par quelque moyen que ce soit, est un faux dès lors qu’il est "de nature à causer un préjudice" et peut avoir des "conséquences juridiques", dit la loi. La loi aggrave la sanction si l’auteur du faux« en fait usage », par exemple dans un procès, et si cet auteur est dépositaire de l’autorité publique, par exemple un maire. Dans ce cas la sanction est très grave, car comment un juge pourrait-il douter de la parole, et, à plus forte raison, des écrits d’un maire, celui qui publie et signe tous les documents officiels de la vie communale ?

Et là, de quoi s’agit-il ?

Les lecteurs de ce site le savent trop bien : le 28 juillet dernier, le maire de Villejuif a déposé un mémoire auprès du juge des référés (= des urgences). Il y demandait d’expulser les syndicats occupant la Bourse du travail, 16 rue Jean-Jaurès, en prétendant, dans ce « mémoire », seul écrit public que le juge ait eu en sa possession :

  • que les syndicats n’occupaient le local que "depuis quelques années", en fonction d’un « prêt à usage » purement "verbal" (ce qui serait le cas, et encore, quand la mairie prête une salle à une association pour une réunion).
  • qu’il fallait décider "en urgence" cette expulsion, car la ville avait décidé de vendre le 16 rue Jean-Jaurès afin de financer le "budget d’investissement", en particulier pour construire l’École des réservoirs, dont il fallait "commencer les travaux cet été" : l’expulsion était urgente pour permettre la vente, donc le début des travaux de l’école).

Et bien c’était tout faux.

  • C’est une délibération du conseil municipal, en 1963, il y a 54 ans, qui a créé la Bourse du travail, l’ a installé 16 rue Jean-Jaurès, et l’a attribué au syndicat. C’est un arrêté municipal qui, 20 ans plus tard, en a précisé le règlement intérieur. Et ces textes officiels n’ont jamais été remis en cause... même par le maire actuel !
  • Seul le conseil municipal peut décider de transformer le 16, « propriété publique », en « propriété privée de la commune », puis décider de la vendre. Il n’en a rien fait. Et le maire ne peut en aucun cas se substituer à ces votes du conseil. D’ailleurs il est bien connu des Villejuifois que le maire s’était engagé publiquement à ne pas le faire. Et lors du conseil municipal de mars dernier, où le conseil municipal a « budgété » l’année 2017, y compris les travaux de cet été pour l’école des Réservoirs, il n’en a jamais été question.

Bref, cet édifice n’était pas à vendre.

Mais comme le juge du tribunal de Melun a cru les écrits du maire (deux mensonges aussi gros étant difficilement imaginables de la part d’un maire normal), il a décidé,conséquence juridique, d’astreindre les syndicats à une amende journalière – mais pas de les expulser : nouveau petit mensonge du maire, cette fois aux Villejuifois...

Et ces « conséquences juridiques » perturbent à leur tour gravement la vie de Villejuif. Outre qu’elles déstabilisent la vie syndicale, « troisième pilier » de la représentation populaire dans la République, elle provoquent des manif, une occupation de la mairie, un conseil municipal interrompu... Tout cela à cause des mensonges du maire.

Pourquoi maintenant ?

L’article 40 dit « sans délais »...

Il a fallu d’abord que toutes oppositions, dont la totalité des têtes de liste des élections de 2014 à l’exception bien sûr de MM. le Bohellec, LR, et Gaborit, ex-FN, toutes, de JF Harel à Natalie Gandais en passant par Claudine Cordillot et Philippe Vidal, se réunissent, se mettent d’accord, obtiennent le texte du jugement, retrouvent les vieilles archives, vérifient que le maire a menti sciemment et pas par erreur... Qu’ils demandent audience au préfet, demandent un débat au Conseil municipal, tentent, comme ils en ont le droit, de créer une commission d’enquête… en vain. En désespoir de cause, après avoir réuni les documents, ils et elles ont décidé le recours à la justice et rédigé cette dénonciation à la Procureur de la République. La voici :

Logo : Extrait de « Les effets du mauvais gouvernement » d’A. Lorenzetti, Hôtel de Ville de Sienne.

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Commentaires

1 Message

  • Alain Lipietz 13 novembre 2017
    14:08

    Sur le forum de l’article du site 94-Citoyens consacré à la dénonciation du faux en écriture public commis par le maire à propos de la Bourse du travail, un correspondant qui signe « Marc » nous reproche de nous tromper de combat. La critique des mensonges publics ne ferait pas partie de la lutte écologiste. Voici ce que je lui réponds.

    Bonjour Marc
    si je vous comprends bien, vous souhaitez opposer :
    -  d’un coté, un combat légitime des écologistes en ce qu’il touche aux « contenus » des décisions et des pratiques (comme la lutte contre les pesticides)
    -  et de l’autre, les combats sur la « forme » des décisions : combats en faveur de la probité, tels que la lutte contre le favoritisme dans les marchés publics ou la vérité dans les écrits publics, combats que vous appelez « bureaucratiques ».
    C’est beaucoup plus compliqué, car les deux sont intimement liés.

    Tout d’abord, c’est évident, la réforme du contenu de l’activité de la Bourse du travail suppose que la Bourse du travail continue d’exister ! C’était une de nos préoccupations quand nous étions dans l’exécutif (avant de devoir le quitter quand nous avons découvert le scandale de la Halle des sports de Villejuif, déjà une question de probité). Relisez ce que nous écrivions alors.
    En liquidant la Bourse du travail pour la vendre à des promoteurs, le maire liquide un des ultimes espaces pour l’économie sociale et solidaire et la vie associative à Villejuif. Et il liquide par exemple la possibilité d’y implanter la crèche parentale Aragon et Castille, cela sans doute au profit d’une nouvelle crèche privée Babilou (selon un soupçon de favoritisme déjà dénoncé à la procureure en conformité avec l’article 40).

    Mais allons plus loin. La dénonciation du délit de « faux et usage de faux par personne investie d’autorité publique » est obligatoire depuis la Révolution Française, et les écologistes sont héritiers de ce combat. Pourquoi ?

    Parce que l’écologie repose à la fois sur la recherche scientifique de la vérité et sur une réflexion critique quant aux conditions d’établissement de la vérité. Nous savons, parce que nous sommes pour beaucoup d’entre nous des scientifiques, ou avons une culture scientifique, que certaines vérités sont assénées par des « autorités » et qu’elles sont alors considérées comme vérité officielle alors même que cette « vérité » est très contestable. (cf le non-survol de la France par le nuage de Tcherbobyl, ou l’innocuité du Round-Up, etc).

    Une telle chose est INEVITABLE car tout le monde n’a pas les moyens de « refaire l’enquête » à chaque fois. Le « sceau » des autorités publiques a la valeur de la vérité qu’il n’y a plus à vérifier. Un scepticisme systématique rendrait la vie quotidienne impossible. Nous admettons tous qu’il y a des vérités officielles qu’il est inutile de re-vérifier.

    Mais qu’est ce qui garantit cette « vérité publique qu’on n’a plus besoin de vérifier » ? Sous la monarchie de droit divin, c’était la religion du souverain : il craignait l’enfer, même si peu à peu il a admis de mentir par « raison d’Etat ». C’est cela qui « sacralisait » la vérité publique. Avec l’abolition de la monarchie, la République a dû trouver autre chose : la probité (article 40 du Code de Procédure Pénal), avec toute la série des délits propres aux autorités publiques : les délits contre la « sacralité républicaine », si vous voulez (favoritisme, faux en écriture publique « avec effet juridique », etc)

    Dans le cas qui nous concerne : comment connaissons nous le statut de la Bourse du travail ? Soit par des archives (et le texte de notre propre association que je cite plus haut montre que, en 2015, nous mêmes ne connaissions pas les archives : la référence à ce que nous disait le maire sur le texte de 1986 est fausse), soit par un certificat écrit du maire, qui a même valeur qu’une archive. Exactement comme un papier tamponné par une mairie vous sert d’ « extrait d’état-civil », une « preuve » lorsqu’une autre administration ou une compagnie d’assurance vous le demande. On présuppose que « un maire ne ment pas ». Si le maire écrit dans un papier officiel « les syndicats occupent la Bourse du travail sans droit nit titre, par un prêt verbal », c’est pareil qu’un papier signé de lui certifiant votre date de naissance et votre nationalité française. Le juge du TA a rendu son jugement du 9 aout en supposant que la vérité du maire était incontestable.

    On voit que le faux en écriture publique par autorité publique est un très grave délit, pour la philosophie de l’Etat, mais y compris pour les écologistes.
    Pourquoi très grave ? Parce que l’écriture publique constitue très souvent dans la pratique la preuve de la vérité, une vérité objective établie par des services officiels payés pour ça. Miner par le mensonge cette croyance en une vérité objective est donc très grave, y compris pour les écologistes.
    C’est encore une fois le coup du Prof. Pellerin sur le nuage de Tchernobyl. Au delà des cancers de la tyroïde provoqués par son mensonge officiel, il a créé un cancer persistant sur la foi en la vérité publique. Les gens ne croient plus aux vaccins car ils pensent qu’on leur ment sur les vaccins, alors que les écologistes souhaiteraient simplement une discussion rationnelle. Nous contestons la nécessité de la vaccination obligatoire, sur la base de l’épidémiologie, nous soulignons la périllosité de l’aluminium, mais ce sont deux études scientifiques qui nous le disent. Comme le consensus scientifique nous persuade du rôle de l’Humanité dans le changement climatique ou de la dangerosité des perturbateurs endocriniens. Vérités qui doivent toujours être soumises à la critique, certes. Mais toute discussion rationnelle devient inutile si plus personne ne croit plus en rien.
    Les « vérités alternatives » de Trump ou de le Bohellec, les « fakes » officiels, cassent la baraque de l’esprit critique.

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